On entend de plus en plus parler des émotions. Elles sont partout: dans les magazines, les pubs, les formations, sur les réseaux sociaux. « Libère tes émotions », « Sois positif·ve », « Lâche prise », « Ose être toi » Blablablabla… Ces expressions circulent tellement qu’elles finissent par perdre complètement leur sens. Et même pour certaines personnes, ces phrases sont perçues comme ridicules, ou pour d’autres elles génèrent une véritables pression interne. De mon point de vue c’est du novlang émotionnel . Des mots qui semblent dire quelque chose, mais qui, à force d’être répétés et utilisés dans tous les sens deviennent vides.
Au départ, parler de nos émotions c’est une avancée. Car
pendant longtemps, selon les conditions de vie et d’éducation, elles ont pu être refoulées, ignorées…..
Mais aujourd’hui, on est dans l’excès inverse et on met de l’émotion partout, sans toujours savoir ce que cela recouvre vraiment. « Se reconnecter à soi », « accueillir ses émotions », « guérir ses blessures »… Ces phrases sonnent bien, mais elles peuvent vier au slogan. Elles donnent l’impression qu’il suffirait de prononcer les bons mots pour que quelque chose change. Les formules magiques sont souvent des formules commerciales.
Le risque des illusions
Le danger, c’est que ce novlang émotionnel peut créer de la confusion, voire de la culpabilité. Si je n’arrive pas à « lâcher prise » ou à « être pleinement moi-même », est-ce que ça veut dire que je suis bloqué·e ? pas assez avancé·e ? pas à la hauteur ? pas assez intelligent.e? pas assez spirituel.le? pas assez ceci, pas assez cela? Tout ceci peut aussi ajouter au moulin mental, et renforcer le mal-être. À force, on peut se sentir pris·e dans une nouvelle injonction, celle de réussir sa vie émotionnelle comme on réussirait sa carrière. Et là, on n’est plus dans l’authenticité, mais dans une performance à peine déguisée. En croyant se libérer de cette façon, des personnes deviennent de plus en plus mécaniques, robotisées, ou même dissociées.